Amen0thes

Un geek ne vieillit pas, il level up ! PNJ des internets depuis 1985

Sauver Eileen

Dame Eileen se trouvait là, inconsciente, le dos en sang, ouvert sur une large plaie, longeant sa colonne vertébrale.
Son corps était déformé, elle avait de toute évidence plusieurs côtes brisées. Sa respiration difficile était accompagnée de sifflements.

Et bien que les soigneurs de la croisade d’Argent avaient fait de leur mieux pour stabiliser la jeune prêtresse, ils ne pouvaient arrêter les saignements, sur cette plaie béante.

Kenthan et moi décidions d’agir rapidement, mettant en place un protocole pour les soins.
Mes connaissances en médecines sont loin d’être à même de soigner de telles blessures, mais je sais pouvoir compter sur Kenthan.

Malgré la situation, la mort du Protecteur Clovius, l’enlèvement du Seigneur Ethann, nous gardons toute notre attention sur cette vie qui peut être sauvée.

Plusieurs côtes sont brisées. La respiration d’Eileen est difficile, sa cage thoracique est compressée. Les cotes brisées peuvent à tout moment aggraver les blessures, en causant des saignements internes.
Une cote est brisée sur le coté droit, et trois autres sur le coté gauche.
Ni Kenthan ni moi ne saurions opérer. Nous nous mettons d’accord sur un protocole, faisant usage de magie.

Kenthan réchauffera le corps d’Eileen, pendant que j’userai de Lumière, pour réparer ces os.

Le moindre faux mouvement pourrait lui être fatal, mais je ne saisis pas à cet instant à quel point mon action sera critique.
Nous contenons les saignements dans le dos d’Eileen, et la préparons pour la positionner sur le dos.

Des tissus imbibés d’onguent sont placés sur le lit. Puis nous la disposons le plus confortablement possible sur le dos.

Alors que je me prépare à apposer ma main au dessus d’Eileen, je constate que je tremble. Je tremble de peur pour elle, je ne sais pas si j’y arriverais, je ne sais pas si je serais assez doux, assez précis, assez méticuleux.

Je cherche une pensée pour m’apaiser. C’est Kenthan qui me vient immédiatement à l’esprit. Il est là, il réchauffe de ses flammes doucement Eileen, la berçant dans un écrin de chaleur, afin d’apaiser sa douleur. Il parvient, sans le savoir, à m’arracher un léger sourire, me redonner de la force.

La paume de ma main se place au dessus de la première côte. Aucune Lumière n’est poussée, je la laisse s’exprimer, accompagnée de l’affection que je porte à Eileen. Mon regard se relève vers Kenthan. Nous nous regardons, en silence.
Nous ne sommes plus dans l’hospice, dont les murs disparaissent, le sol, les meubles, le toit.

Nous sommes trois, dans cet infini silence, ce calme, cette sérénité. Ma main commence à briller d’une lueur jaune. Une volute de Lumière touche la peau d’Eileen, puis se glisse sous elle.
Mon regard quitte sa couleur or, pour retrouver son bleu d’origine, tant ma concentration dilue ma Lumière. Il se baisse vers son corps meurtri. Doucement, très doucement, je vois sa peau bouger sous ma main. Puis la peau reprends une couleur normale, le corps d’Eileen reprend forme, lentement. Elle ne réagit pas à tout ce qu’il se passe actuellement, ce qui me rassure.

Après que la Lumière ait quitté ma main, je me recule. Kenthan manipule la zone, elle semble guérie. Eileen respire toujours difficilement, mais on peut sentir une amélioration. Le sifflement de sa respiration est sensiblement moins fort.

La partie gauche est bien plus sensible à soigner. Trois côtes sont brisées. Les soins sont encore plus critiques.
J’opte pour une approche quasi chirurgicale. Au lieu d’apposer la paume de ma main au dessus de la première des trois côtes, j’y place mon index.
A nouveau, je laisse le silence m’envahir, mon amour pour lui, mon affection pour elle. La sérénité me submerge. Le sourire d’Eileen, lors de notre première rencontre, sa douceur, sa bienveillance. Toutes ces images défilent devant moi.

Lorsqu’elles s’évaporent, ce sont les yeux bleus de Kenthan qui m’accompagnent. La lumière nait dans la paume de ma main, glisse le long de mon index, jusqu’à son extrémité, et descend, dans un fin filet, sur la peau, puis sous la peau d’Eileen.

Kenthan ne cesse de la bercer de ses flammes. Eileen grimace, à mesure que cette seconde côte se répare. J’entends Kenthan lui parler, calmement. Comme pour la première fois, sa peau se déplace, très lentement, pour reprendre une ligne et une forme normale.
Sa respiration s’améliore.

Une fois que Kenthan me confirme que le soin a été un succès, nous réitérons, pour les deux dernières côtes, avec autant de douceur, de minutie, voyant la respiration d’Eileen s’apaiser, les sifflements se raréfier, son visage reprendre un teint plus rosé.
Une quinte de toux arrache à ce silence, nous nous arrêtons. Puis reprenons, une fois qu’Eileen est de nouveau apaisée.

Enfin, la dernière côte a repris sa forme normale. Eileen ne siffle plus quand elle respire. Elles apparait plus apaisée. Kenthan me dit que j’ai réussi, que c’est incroyable.

NOUS avons réussi, pensais je.

Je n’y serais pas parvenu sans lui. Et alors que je laisse la Lumière m’imprégner pleinement à nouveau, avec toute sa puissance, que mes yeux retrouvent leur couleur or, nous préparons Eileen au plus difficile: soigner son dos.

Nous la plaçons délicatement sur le coté. Kenthan et moi allons inverser les rôles. Il usera de ses flammes pour cautériser la cicatrice, et moi de la Lumière pour atténuer la douleur, et contenir la chaleur, pour ne pas que celles ci blessent le reste du corps d’Eileen.

Malgré les protections que nous mettons en place, la douleur sera intenable pour Eileen, nous le savons, Kenthan et moi.
Et alors que je l’enveloppe de lumière, dans un bouclier, je me prépare à la soulager, du mieux possible.

Sur la paroi extérieure du bouclier de Lumière, la chaleur torride cautérise, je la ressens. Et sur la paroi intérieure du bouclier, la douleur que ressent Eileen est palpable.
Eileen grimace et hurle rapidement dans un cri déchirant.

Kenthan sait qu’il ne peut pas arrêter. Je laisse donc la douleur d’Eileen se propager du bouclier jusqu’à moi, sans cesser d’incanter.
La douleur de la cautérisation se transmet à moi, et mon dos ressent, comme Eileen le ressent, la douleur intense de la chair qui brule.

La douleur qui me parvient sera au moins une douleur qu’Eileen n’aura pas à supporter. Les secondes sont interminables. Mes dents se serrent. Je vois Eileen hurler et se tordre de douleur. Je sens la sueur couler à grande goutte sur mon front, le tissu de mon armure se consummer dans mon dos.

Puis, plus rien. Je relève la tête, Kenthan à terminé. Eileen grimace, mais son visage se décrispe. Je la libère progressivement du bouclier, alors que Kenthan lui place les bandages pour protéger son dos.

Kenthan se montre rassuré. Je garde pour moi ma douleur au dos, qui s’évapore progressivement, et que je crois que Kenthan n’a pas remarqué.

Peu importe: Eileen respire. Elle est en vie. Il lui faudra du repos, mais nous sommes optimistes, et c’est cette étincelle de vie, au milieu du chaos, qui refait naitre chez nous cet espoir, dont nous avons tant besoin.