Amen0thes

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Berceau de l’Hiver

Depuis les soins portés à Eileen, Kenthan et moi nous retrouvions le soir, en allant dormir, et le matin au réveil. Mais il était tant sollicité, il travaillait tant, que nous nous croisions parfois en journée, et n’avions pas le temps d’un regard.

Une situation que je vivais difficilement, mais qui était pour lui une épreuve encore plus difficile.
Comment supporter de voir la personne que l’on aime de tout son cœur souffrir, sans ne rien pouvoir faire ?

 

Nous étions lui et moi dans cette situation. Tant accaparés par nos activités, Kenthan en venait à m’appeler par mon prénom, chose qu’il n’avait plus jamais faite, depuis qu’il avait posé ses lèvres sur les miennes pour la première fois.

Quand à moi, je vivais cela comme une distance qu’il voulait imposer, et ne voulant pas ajouter à toutes les épreuves qu’il endurait, je ne disais rien, gardant cette douleur en moi, me demandant si celui qui était une évidence pour moi, qui était l’homme de ma vie, ne regrettait pas, soudain, de m’avoir embrassé.

Est ce qu’il avait réalisé qu’il ne m’aimait pas autant qu’il le croyait ? Etais je redevenu Sire Rewan, alors que lui était devenu le sens même de mon existence ?

Ces questions me hantaient, au point qu’un soir, l’attendant près de notre lit, et ne le voyant pas arriver, j’ai préféré redevenir Sire Rewan. Je suis descendu de la tour des mages, où nous dormions ensemble, j’ai installé ma tente, non loin, et je m’y suis installé, pour m’endormir, comme je le faisais, avant que nos chemins se croisent.

 

Mon cœur serré, une boule à la gorge, je fermais les yeux, convaincu que ma raison de vivre allait bientôt m’imposer un combat pour me maintenir en vie.
Au milieu de la nuit, des bruits de pas à proximité de ma tente me réveillent. J’entends une personne entrer, se placer près de moi. Elle s’allonge derrière moi. Je ne réagi pas. J’ai déjà reconnu son parfum, sa respiration. Je reconnais ses bras qui m’enserrent, sa peau qui vient contre la mienne. Mes doigts se croisent avec les siens. Ses lèvres dans mon cou.

Je ne réagis pas, je le serre, un peu plus fort contre moi, et je me rendors, les larmes coulant sur mes joues.

Au réveil, Kenthan me dit que dormir dans la tente, c’est terminé, que ma place est contre lui, dans son lit, dans notre lit.
Une partie de mes craintes s’envole, ne reste que son état, qui continue de m’inquiéter. Il semble préoccupé. Il tremble, parfois. Son regard est imprégné d’une insondable tristesse. Il fait preuve d’une pudeur que je ne veux pas bousculer.

 

Je ne le bouscule pas, car il doit préparer son enquête vers le Tombeau d’Uther, qu’il continue les soins pour Eileen, et qu’il dévore tous les livres qu’il trouve, dans son insatiable soif de connaissance. Il ne s’arrête jamais.
Il y a des choses qu’il ne peut pas me dire, et je refuse de le forcer à le faire.

 

Je suis son Bastion. Son rempart où il se réfugie dans mes bras, le soir, jusqu’au matin. Sa distance reste délicate, mais je ne remets plus en cause ses sentiments. Il a besoin de moi, et je suis là.

Il me confie avoir parlé avec Eileen, dont la rémission est en bonne voie, lui faire part des choses qui le tourmente. Et sur ses conseils, Kenthan m’annonce que nous partons deux jours, loin d’Atreval, pour se retrouver, pour nous retrouver.

 

Kenthan ne me dira notre destination en amoureux qu’au moment du départ. Nous partons pour Berceau de l’Hiver. Il m’avait déjà parlé de son attachement pour cette région, que j’aime énormément, aussi.
Alors que nous nous retrouvons, habillés chaudement pour l’occasion, à la tour des Mages, Kenthan me serre contre lui, et ouvre derrière moi un portail, dans lequel il nous fait basculer.

Nous tombons sur la neige fraiche d’une colline du Berceau de l’hiver, et alors que nous nous relevons, nous nous laissons envahir par la beauté du paysage, la main de Kenthan serrant la mienne.

Puis, nous descendons la colline, et nous glissons sur la neige. Comme deux enfants, nous roulons et roulons tout le long de cette pente, sur cette poudre blanche, et nous arrêtons au pied de la colline, riant aux éclats.

Kenthan en profite pour rester, allongé dans la poudreuses, allongé, ses mains derrière la tête. Ma tête est posée sur son torse.

  • On serait bien ici me dit il.
  • Oui, et comme je te l’ai promis, je bâtirais notre maison. Si c’est ici que tu es heureux, c’est ici que je la construirai

Kenthan garde le silence, quelques secondes. Mais je ressens son sourire. Pour la première fois, nous sommes tous les deux, rien que tous les deux. Nous restons quelques instants ainsi, profitant du paysage, et du plaisir d’être l’un près de l’autre, ce qui nous avait cruellement manqué jusqu’alors. Puis il semble vouloir se relever

  • Viens, j’ai quelque chose à te montrer

Nous marchons dans la neige, entourés par ces montagnes, ces arbres blancs. Je vois non loin une auberge. Nous nous arrêtons un peu en avant. Devant nous, une petite clairière. Il y a une petite place naturelle, entourée par des arbres.

  • Regarde, c’est ici que nous vivrons et que nous construirons notre maison. J’ai étudié l’architecture des bâtiments des Elfes de la Nuit. Je l’aime beaucoup. Et notre maison sera ici, elle ressemblera aux vôtres.

J’écoute ses mots, et me projette. Je vois les contours des murs, la porte, les fenêtres. Mais mon imagination s’interrompt aux mots de Kenthan.

  • Je vais te montrer quelque chose

Kenthan se place devant moi, me tournant le dos. Il lève les mains, en direction de la clairière. Des volutes de magies violettes et bleues l’entourent soudain. Une concentration magique qui m’impressionne, car je finis par ne presque plus le voir, tant cette magie arcanique se concentre sur lui. Il ne cesse d’incanter. Les arbres, la faune et la flore locale reflètent ces lumières, dans leur manteau blanc.

Kenthan écarte les mains. Toutes cette énergie concentrée se diffuse dans la clairière

Les particules de magie arcanique se rassemblent, créant des formes. D’abord un carré, puis un triangle, au dessus. Au fur et à mesure que ces formes s’affinent, que les contours se précisent, elles prennent l’apparence d’un logis, à l’architecture Elfique.

La magie prend également consistance. Elle s’opacifie, masquant le paysage derrière elle.

Je reconnais des tuiles, une cheminée, les décorations typiques sur les murs, comme sur les bâtiments Elfiques, et en particulier propres aux Elfes de la Nuit. Je suis d’ailleurs émerveillé par la fidélité de cette illusion. Kenthan s’est longuement renseigné, tant la reproduction est fidèle à l’architecture initiale.
Enfin, se matérialise la porte d’entrée. Je peux distinguer les couleurs de toute la bâtisse.

  • C’est… Balbutiais-je
  • Oui mon coeur, c’est notre maison. C’est ainsi que nous la bâtirons. Elle ressemblera à celles de ton enfance.

Je m’avance vers cette illusion, si réelle. Plus je m’approche, plus les détails s’affinent, jusqu’à matérialiser les symboles de protection sur les murs, les nervures du bois.

Derrière moi, j’entends Kenthan qui lance une nouvelle incantation.
Me retournant, je vois sa tenue changer, pour prendre un aspect que je n’avais jamais encore vu chez lui.

Il arbore à présent une armure plus légère, étincelante, surmontée d’un col à multiples aiguilles, en or. Des orbes bleues flottent autour de cette couronne jaune.
Une partie de son torse est visible. Un tissu le traverse de façon transversale.

Kenthan est majestueux, Il se tient dans une tenue de combat que je n’avais jamais vu auparavant. Une tenue qui lui donne une allure princière.

Il se rapproche de moi.
Je m’apprête à l’embrasser, mais je n’ai pas le temps de fermer les yeux que je le vois s’agenouiller devant moi.

Il prend un temps de réflexion, et me dit ces mots, que jamais je n’oublierai:

 

  • Rewan Aiglenuit, mon amour, ma flamme renaissante, mon feu ardent. C’est en cet instant entièrement dévoilé à toi que je te souhaite te prouver mon amour, et te poser cette question.

Une boite se matérialise dans sa main. Il ouvre cette boite, devant moi. J’y vois une chevalière en or, aux gravures fines, ornée d’un rubis rouge.

  • Rewan Aiglenuit, veux tu m’épouser ?

Des fourmillements s’emparent de mon corps. Suis-je en train de rêver ? L’homme que j’aime vient-il de me demander d’être auprès de lui, jusqu’à notre dernier souffle ?

Me ressaisissant, dans une inspiration qui trahit mon émotion, je lui réponds:

 

  • Kenthan Terra Belladona. Je suis l’être le plus heureux au monde. Oui, je le veux. Oui, je veux t’épouser.

Kenthan me sourit. Il saisit ma main gauche, et y place l’anneau, sur l’annulaire.

Je suis submergé d’émotion, j’ai devant moi mon futur époux. Il apparait comme une évidence. Un halo de lumière blanche vient se poser sur nous. Je reconnais immédiatement la source de cette lumière.

  • C’est ta Lumière qui fait ça, mon coeur ? me demande Kenthan
  • Non mon amour, c’est Elune. Elle nous apporte sa bénédiction.

La lumière qui nous éclaire s’intensifie, créant un véritable halo lumineux autour de nous.
Kenthan se relève, il se rapproche de moi, et nous nous embrassons, pour sceller notre union.

L’illusion de notre maison disparait, dans un nuage de magie arcanique.
Nous retrouvons le calme, les couleurs et la plénitude de cette clairière, ou nos lèvres se touchent, et nos mains se serrent.

Nous sommes fiancés.
Deux âmes qui s’apprêtent à se lier, et qui pour l’heure, prennent le chemin de l’auberge, située non loin.

Là, nos lèvres s’unissent à nouveau, puis nos mains, nos cœurs, corps et âmes.
Je rougis au seul souvenir de ce que nous avons vécu cette nuit là, mêlant intensité et douceur. Un bal dans lequel deux amoureux ont dansé jusqu’au petit matin, peau contre peau, et dont Kenthan était le maître des lieux.

Alors que j’ouvre les yeux, ce matin là, je me demande soudain si tout ceci n’était qu’un rêve. La réalité revient à moi. La Chevalière que m’a offert Kenthan est toujours à mon annulaire. Il n’y a aucun doute, ce rêve est une réalité.

J’ai pu repenser à notre union à venir. Je dois couper le lien qui me ramène à ma Sabre de Nuit, Raca.
Mon âme est liée, comme pour chaque Elfe de la Nuit avec son Sabre. Ce lien se rompt lorsque l’Elfe se fiance.

Il me faut donc libérer Raca de mon âme, respecter la tradition. Lorsque j’épouserai Kenthan, c’est lui, qui aura cette partie de mon âme, liée à lui.

J’invite Kenthan à participer à libération. Raca va désormais continuer de grandir auprès de moi, mais elle vieillira comme tous les Sabres de Nuit. Je l’accompagnerai, dans ses vieux jours. Et puis un jour, je lui rendrai hommage, en la restituant à Dame Nature.
Mon âme m’est revenue intégralement, et je la lierais à Kenthan, devant l’autel.

 

Nous profitons de la fin de journée pour aller voir discrètement les sabres de Neige, qui peuples Berceau de l’Hiver.
Ces créatures majestueuses sont très territoriales. Nous restons donc à bonne distance et profitons du balai de ces animaux, qui surveillent leurs tannière, et chassent, parfois, les gibiers qui s’aventurent un peu trop près.

De retour à l’auberge, nous mangeons, puis nous retrouvons dans notre chambre, pour une nouvelle nuit dans ses bras, ou je serais cette fois le maître du bal, mêlant flammes et Lumière.

Le lendemain matin, mon futur époux et moi-même revenons à Atreval, le sourire au cœur, la main dans la main.
Je m’imagine déjà porter fièrement le nom de Rewan Belladona.