Amen0thes

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Soigner une âme

Une victime. Victime de quoi ? Qui avait fait cela ? Pour quelle raison ?
Les habitants d’Atreval se regardaient à présent avec méfiance. Cette ville fortifiée ou un calme reposant régnait venait d’être le théatre d’un meurtre, un drame qui n’était pas arrivé là depuis bien longtemps.

La foule s’amassait autour du corps inerte de ce jeune homme, un écuyer d’Atreval, probablement. Cemra me rejoignait rapidement. Voyant la scène macabre devant nous, il posait sa main devant sa bouche, visiblement secoué.

La victime portait de nombreuses traces de coups, sur le visage, les bras, les jambes. Etonnamment, son visage ne semblait pas déformé par la douleur, un fait qui me surprit. Et bien qu’ayant vu nombre de soldats tomber lors des batailles auxquelles j’avais pris part par le passé, j’accusai difficilement le coup, la victime étant particulièrement jeune.

Sire Kenthan examinait le pauvre malheureux, réalisant les premières constatations d’usage.

Les habitants étaient déjà nombreux autour de ce jeune homme. Tous portaient des regards empreints d’inquiétude, de peur, de dégout, et de méfiance.

Je sentais une main chercher la mienne, puis la saisir. Je remarquais Cemra, se laissant lentement envahir par la terreur. Je me tournais vers lui, faisant obstacle à la vue du corps de la victime.

  • Cemra, ne restez pas ici. Allez à ma chaumière, fermez derrière vous, je vous rejoins rapidement. Je dois aider à tirer cette histoire au clair. Mais ce n’est pas une image que vous souhaitez voir plus longtemps.

Il ne dit rien, mais acquiesça, et parti en direction de la chaumière où je logeait.

Alors que je me tournais de nouveau vers la scène de crime, je demandais à la foule qui se faisait de plus en plus dense et proche de se reculer, afin de voir si je trouvais, au sol, des éléments qui pourraient être liés au meurtre.
Mais malgré mes recherches, aucune trace ne semblait trahir un quelconque suspect.

J’entendais des sanglots étouffés derrière moi. D’autres chuchottaient entre eux. Une voix se fit plus forte que les autres. Je ne fut pas le seul à entendre distinctement

« Il est tout de même étonnant que le premier meurtre depuis des années se produise au moment ou les Chevaliers d’Uther sont en nos murs« 

Je m’arrêtais soudain, transi par ces déclarations. Il m’apparaissait tellement inconcevable que cet acte odieux ait été commis par l’un des nôtres que j’ai faillit émettre un gloussement, tant cette remarque était grotesque.

Mais alors que je relevais les yeux en direction de cette voix, je constatais que les regards se faisaient soudain très suspicieux à mon encontre, et à celle de sire Kenthan.
Un silence assourdissant s’empara de la scène, alors que je balayais du regard toutes les personnes qui se trouvaient autour de nous.

  • Mais.. Enfin, vous n’y pensez pas… Balbutiais je.

Le silence fut soudain rompu par les gardes qui vinrent près du corps, et le portèrent jusque dans le fortin, ouvrant le cercle de la foule qui nous entourait.
Je tournais mon regards vers sire Kenthan, abasourdi par la situation, mais aussi par ce que j’avais entendu.

Le silence fut rompu par la voix du Seigneur Alphus, autorité au sein d’Atreval.

  • Chevaliers d’Uther, venez immédiatement en la mairie !

Mes compagnons, qui pour certains étaient déjà présents, repondèrent à cet appel.
Sire Kenthan et moi même leur emboitions le pas. Les habitants, amassés en foule, s’écartèrent pour nous laisser passer, prenant une bonne distance, de sorte que nous ne puissions pas les atteindre.
Etions nous devenus une menace à leurs yeux ?

Arrivés auprès du Seigneur Alphus, nous fumes rapidement rejoints par le Seigneur Ethann. Alphus dissipa toute suspicion à notre encontre, mais implora notre aide pour élucider cette enquête.

Bien que tous, nous étions disposés à apporter notre aide, il nous fallait également intervenir sur le pont Est d’Andhoral, et ce immédiatement. Ce pont mène au tombeau d’Uther. Or, nous constations lors de notre dernière bataille à Andorhal que le pont était tombé sous le contrôle du nécromancien, et de ses monstres de non-vie.

Nous ne pouvions répondre à ces deux impératifs simultanément. Un long débat s’en suivit, et la situation gagna en tension lorsque notre Seigneur Ethann demandé à ce que nous intervenions à Andorhal en priorité.

La tension grimpa d’un cran lorsqu’Alphus prit en exemple l’action de sire Kenthan, demandant aux autres membres de l’Ordre de suivre son dévouement pour Atreval.

Gêné d’être pris en exemple afin d’aller à l’encontre des membre de son Ordre, Kenthan cherchait du regard un soutien de notre part, visiblement très mal à l’aise de se retrouver au coeur du conflit naissant.

Ne pouvant le laisser dans une telle situation, je suggérait que Dame Eileen examine le corps, et que nous mettions ce temps à profit pour gagner un peu de terrain au niveau du pont Est d’Andhoral, repoussant les envahisseurs sur place.

Une solution qui offrait un compromis entre les deux parties.

C’est finalement le Chevalier Protecteur Cyrno qui trouvera une solution, ré orientant des actions plus localisées envers le Fléau, et privilégiant un survol de la zone afin de préparer notre intervention, nous permettant de nous concentrer en l’attente sur l’enquête locale.

Une solution qui ne satisfaisait pas tout le monde, mais qui nous permettait de gagner un peu de temps, car nous en avions grand besoin.

Je profitais d’un moment de repos dans la matinée pour retourner voir Cemra. La tension qui était palpable au sein de la mairie, et les suspicions des habitants me poussaient à aller voir un visage amical.

Je frappai à la porte, puis l’ouvrais doucement.
Assis sur ma paillasse, les jambes recroquevillées, Cemra était immobile. Je ne savais pas vraiment comment débuter la conversation. Ce ne fut pas nécessaire, il prit rapidement la parole.

  • Qu’est ce qu’il lui est arrivé ? Me demandait il.
  • Je ne sais pas encore. L’Archiatri de notre Ordre examine le jeune homme. Vous le connaissiez ?
  • Oui, un peu. Nous sommes nombreux ici, à avoir fui la guerre, mais nous nous connaissons tous, plus ou moins.

Je me rapprochais doucement, m’installant sur une chaise, à coté de Cemra, et l’écoutant.

  • Ici, notre histoire n’importe que peu. Quand on arrive à Atreval, on doit tirer un trait sur le passé. Mais ce n’est pas aussi simple que ça. On se retrouve parfois, entre recrues. On se raconte nos histoires. On rit, on pleure, mais on se donne chacun ce devoir de mémoire. Si nous avions tous tiré un trait sur notre passé, qui serait la pour honorer sa mémoire, à lui ?
  • Est ce qu’il a de la famille, des personnes qu’il faudrait prévenir ?
  • Les personnes à prévenir sont déjà au courant, elles étaient autour de lui. Nous sommes pour beaucoup d’entre nous des orphelins, ou bien de ceux que la famille ne veut plus. Donc notre seule famille est ici.

Les mots prononcés par Cemra étaient durs, et claquants. Il était l’opposé de celui que je voyais depuis deux jours. Son visage souriant, doux, tout avait disparu.

  • Vous êtes cette mémoire, à vous de l’honorer à présent. Nous allons enquêter pour savoir qui a fait cette atrocité.
  • Cette atrocité avait des rêves et des idéaux. Et on lui a PRIS TOUT CA ! Cemra donna un coup de poing franc contre le mur, se blessant à la main. Je me refuse à le croire, mais je dois savoir si nous devons avoir confiance envers les Chevaliers d’Uther, ou si nous devons les craindre.

Je fronçais les sourcils à ces mots, mais l’inquiétude de Cemra pouvait être compréhensible. Du moins, je l’entendais.
Je me rapprochais de lui, et posais sa main blessée contre la paume de la mienne.

Je plaçais mon autre main, légèrement au dessus, paume vers le bas. Une lumière jaune et réchauffante se matérialisa à l’intérieur de ma main, puis vint toucher la chair à vif des métatarses de Cemra, refermant progressivement les blessures, soulageant la douleur. A mesure que les blessures guérissaient, cette lumière s’évaporait, lentement.

  • Voici ce que nous sommes, et ce que nous faisons, Cemra. Nous sommes cette lueur, et nous réparons les tords, nous soignons les gens dans le besoin. Alors que je désignais une épée posée contre le mur, j’ajoutais: et nous sommes des Chevaliers.

Cemra desserrait les dents, la colère laissant place à la tristesse.

  • Est ce que nous sommes toujours en sécurité ici, Rewan ?
  • Vous y serez, plus que si vous étiez dehors, et plus encore, maintenant que nous sommes là.

Un sourire en coin se dessina sur les lèvres du jeune homme.

  • Je pense Cemra que vous devriez rester à Atreval pour aujourd’hui. Confiez vos tâches à un autre écuyer, qui n’a pas été témoin de cette scène. Vous avez besoin de digérer ce que vous avez vu. C’était une scène violente. Si vous craignez d’être seul, en mon absence, restez en binôme.

Cemra se relevait, et prenait son sac de parchemin à déposer au camps du Noroit, pour le courrier.
Je me relevais aussi, pour l’accompagner.

Alors que nous allions vers la porte, il s’arrêtait soudain, et se tournait vers moi, me fixant droit dans les yeux.
Je m’arrêtais aussi, surpris de cette réaction. Et, se mettant sur la pointe des pieds, fermant les yeux, il posa ses lèvres sur les miennes.

A mon grand étonnement, je n’eut aucun mouvement de recul, aucun geste de surprise, ma seule réaction fut de fermer les yeux.
Je revoyait soudain cette colline, à coté de l’église d’Andorhal, la nuit tombante, les lucioles qui illuminaient l’herbe, et devenaient des étoiles dans l’Univers, dans l’éternité. Je vivais ce voyage incroyable que Cemra faisait lorsqu’il venait se perdre parfois la bas. J’étais son éternité.

Cemra se recula, se remettant pleinement sur ses pieds, alors que j’ouvrais les yeux. Il me remercia à nouveau pour avoir été là, puis il partit, fermant la porte derrière lui.

Quand à moi, je restais ainsi, quelques minutes, dans le silence absolu, avant que la plénitude se dissipe, et me rappelle à la réalité.