Amen0thes

Un geek ne vieillit pas, il level up ! PNJ des internets depuis 1985

Soigner les âmes

L’aube du jour pointait ses premiers rayons, et j’étais déjà prêt à entamer cette nouvelle journée.

Alors que je rédigeais la réponse à la Cathédrale d’Hurlevent, je ne pouvais m’empêcher de repenser à ce jeune Cemra, et aux souffrances dont il avait été victime.

J’avais comme le sentiment que je pouvais faire quelque chose pour ce jeune homme. Un ressenti en mon fort intérieur qui appelait à ce que j’aide cette âme blessée.

Ne pouvant rester dans le mensonge plus longtemps, je terminai à la hâte ma missive pour l’Ordre des Prêtres, et attendai Cemra afin de lui remettre ma missive, et avoir une conversation avec lui.

Grande Prêtresse Laurena,

Votre missive m’est bien parvenue, et je vous en remercie.

 

Vos questionnements sont tout à fait légitimes, et les phénomènes dont vous avez fait mention dans l’enceinte de la Cathédrale me semblent avoir une explication que je ne manquerais pas de vous fournir.

 

Je me trouve actuellement près des terres désolées d’Andorhal, en soutien aux fermiers locaux et aux habitants.
Ces terres sont en effet la proie d’un individu particulièrement malveillant et vil que l’Ordre des Chevaliers d’Uther, dont je suis membre, s’est donné pour mission de combattre et d’empêcher de nuire.

 

Nous espérons, ainsi, ramener la paix en ces terres et la quiétude auprès de ses résidents.

 

Vous comprendre, dans ces circonstances, que je ne peux me présenter immédiatement à vous.
Toutefois, je ne manquerai pas de vous envoyer un parchemin lorsque notre mission en ces lieux sera terminée.

 

Que la Lumière vous protège,
Rewan Aiglenuit.

 

J’enroulais le parchemin, le maintenait avec une ficelle et scellait celle ci avec de la cire rouge.

Alors que je voyais Cemra arriver au loin, je prenais une grande bouffée d’air, comme pour me donner du courage, et attendais qu’il vienne à ma rencontre, me postant devant l’entrée de la chaumière.

  • Bonjour Prêtr… Sire Rewan. Me dit-il en arrivant à mon niveau
  • Bonjour Cemra. Comment allez vous aujourd’hui ? Lui répondais je, cherchant à fuir son regard, pour ne pas revivre les visions de la veille.
  • Bien, je vous remercie. C’est pour moi que vous êtes là ? Me dit-il en souriant.
  • Co… Comment le savez vous ? Demandais je visiblement désarçonné par la lucidité dont il faisait preuve.

Il tendit alors la main vers moi. Je m’approchais et m’appretais à lui tendre la mienne, quand il me coupa dans mon élan.

  • Votre parchemin, je suppose qu’il est pour moi, c’est bien ça ?
  • Ahh, le parchemin ! Oui, oui bien sur, je compte vous le confier, à destination d’Hurlevent. Je me reprenais, honteux de ma mécompréhension.

Alors que je tendais le parchemin, je me décidai à croiser son regard, en faisant preuve de toute la concentration possible.

Je ne vis que les yeux noisette de Cemra. Aucune vision, aucune projection dans le passé.
Rassuré à l’idée que je pouvais contrôler ces événements, je profitais de cet élan de courage pour lui dire la vérité.

  • Cemra, je n’ai pas été totalement honnête avec vous. Commençais je
  • Que m’avez vous caché ? Il avait à présent un regard plus sombre
  • Et bien… J’ai pris soin aujourd’hui de ne pas croiser votre regard, jusqu’à maintenant. Je n’ai cette aptitude que depuis peu. Mais en ressentant votre douleur, et en vous regardant hier, j’ai vu une partie de votre histoire. Plus précisément, votre fuite d’Andorhal. Je.. Je suis désolé, Cemra, je ne voulais pas m’imiscer ainsi dans votre histoire. C’était involontaire. Je fais tous les efforts possibles pour que ça ne se produise pas spontanément.

Je me sentais soulagé d’un poids, mais aussi inquiet de la réaction du jeune Cemra. Elle ne se fut pas attendre.

  • Pourquoi ne m’avez vous simplement pas dis cela hier, sire Rewan ?
  • J’ai crains que vous me preniez pour fou.

Cemra esquisca un sourire, rapidement remplacé par une tristesse palpable.

  • J’ai fui une ville envahie de goules et de morts-vivants, ranimés par une force dont j’ignorais jusqu’alors l’existence. Pensez vous que je suis fou ? Alors pourquoi ne devrait je pas envisager que vous avez des capacités comme celle ci ?

Sa réponse me laissa sans voix. Ce jeune homme qui devait avoir une vingtaine d’année faisait preuve d’une maturité que bien peu d’hommes de son âge m’avaient montré jusqu’alors.

  • Je vous concède que vous me posez là deux rhétoriques absolument imparables. Votre recul face à cela est pour le moins… singulier. Reprenais-je.
  • Il a bien fallu que je me fasse une raison, et aussi que je trouve une explications à ces choses que j’ai vu, et qui m’ont plus qu’anéanti.
  • Votre père ? Ma réponse était machinale, je saisissais soudain que je n’étais pas sensé savoir cela.
  • C’est ce moment que vous avez vu ? Je n’en suis pas si surpris, c’est probablement ce moment qui m’a fait le plus de mal.

Le regard de Cemra était à présent empli de tristesse. Je m’avançais vers lui. Et à mesure que je m’approchais, je ressentais en moi la Lumière se manifester de plus en plus fort. Puis, comme instinctivement, je tendais mes mains vers lui.

  • Posez vos mains, Cemra, je pense que je peux faire quelque chose pour vous.

Bien que réticent au premier abord, il s’exécuta et posa la paume de ses mains contre les miennes. Je portai mon regard dans le sien.

Le monde s’étiola autour de nous. Un oiseau qui volait au loin, près de la tour des Mages, s’effaça à mesure que la réalité s’éffaçait autour de nous. Cemra tourna la tête de part et d’autres, un peu apeuré. Il voyait également cette réalité disparaitre petit à petit.
Nous arrivions rapidement de nouveau à Andorhal, bien avant son invasion. Alors que les visions se matérialisaient tout autour de nous, je reconnaissais l’église de la ville, perchée sur une petite colline.

Le soleil était à son crépuscule, une légère brise soufflait une douce odeur de fleurs et d’herbe fraichement coupée. Une plénitude émanait en chaque souffle du vent.

  • Je venais ici, parfois. Commença Cemra. Quand j’avais besoin d’être seul, je m’asseyais ici même, la où nous nous tenons, et je regardais la ville, depuis ses hauteurs. Je me sentais bien.
  • Et bien asseyons nous en ce cas. Lui dis-je.

Cemra s’installa dans l’herbe fraiche. Je m’asseyai à ses cotés. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

  • Ou sommes nous réellement ?
  • Je dirais que nous sommes là où vous souhaitez ardemment être, Cemra. Un endroit qui vous est cher, qui a du sens pour vous, qui vous soulage et vous réconforte.
  • Si je devais choisir, je serais auprès de mes parents. Souffla t-il.
  • Est ce que les revoir vous apporterait du réconfort, ou de la tristesse ?
  • De la tristesse, assurément.
  • Alors peut être que ce n’est pas ce que vous souhaitiez revoir le plus au monde. Cela n’enlève en rien l’amour que vous leur portez. Votre coeur vous appelle à eux, mais votre âme vous rappelle ici, car c’est ici qu’elle est ancrée. Restons un peu, si vous voulez bien.

A mesure que la nuit tombait, les lucioles commençaient à éclairer le sol. Bientôt, elles recouvraient la colline de leurs lueurs blanches et jaunes.

  • C’est ce moment que je recherchais, quand je venais ici. Soudain, je n’étais plus Cemra d’Andorhal, j’était face à l’immensité, au milieu…
  • Au milieu des étoiles, celles qui brillent à vos pieds.

Cemra sourit. Il semblait manifestement apaisé. Je comprenais alors l’étendu de ce nouveau don qui m’avait été fait. Il me permettait de soulager la souffrance. Et pour apporter ce soulagement, il me fallait au préalable comprendre la douleur qu’avaient vécues ces âmes blessées, écorchées.

Après quelques minutes, Cemra se releva.

  • Pensez vous que je dois faire mes adieux à cette colline, sire Rewan ?
  • Je pense que votre âme, où que vous alliez, quoi que vous fassiez, vous ramènera ici. Personne n’est éternel, mais la nature, elle, subsiste. Elle renaît à l’endroit même où elle a dépérit. Cette colline retrouvera cette paix et ces paysages qui vous sont chers. Et un jour, vous y reviendrez.

Cemra semblait apaisé, à l’écoute de mes paroles. Il se tourna vers moi, et me tendit ses mains, en souriant.

  • Je pense que nous pouvons rentrer à présent.

Et alors que je tendais mes mains, pour le ramener dans le présent, dans la réalité, un homme et une femme apparurent derrière Cemra. Ce dernier ne pouvait les voir, mais moi, je ne voyais qu’eux.
Tous deux souriaient, et m’observaient avec une bienveillance et une gratitude qui ne laissait que peu de doute quand à leur lien avec Cemra.
Je regardait la main de l’homme. Une marque sur le majeur trahissait l’existence d’une bague, ou d’une chevalière portée par le passé.

Je n’ai rien eu à dire. L’homme avait compris mon raisonnement, et me fit un signe affirmatif de la tête. Cette chevalière, celle donnée par son père, était à présent au doigt de Cemra. Puis, de concert, il me remercièrent, avant de s’envoler vers le ciel, en deux volutes blanches.

Mon regard revenait vers Cemra.

  • A présent que vous êtes en paix, Cemra, vos parents le sont également. ils veillent désormais sur vous.

Le monde s’étiola autour de nous, et peu à peu, nous revinrent à la réalité, à Âtreval.

  • Depuis combien de temps sommes nous partis ? Me demandais Cemra.

Je regardais dans le ciel. L’oiseau qui avait disparu lorsque nous commencions notre voyage était toujours au même endroit, et reprenait sa route, comme si le temps s’était suspendu, et reprenait à l’instant même.

  • Ce voyage et notre retour ont été instantanés. Répondais je.
  • Pourrons nous voyager à nouveau une prochaine fois ?
  • Vous connaissez l’endroit où vous avez besoin de vous retrouver lorsque les souvenirs pèsent trop lourd sur vos épaules. Vous y retournerez, durant vos songes, ou dans vos pensez, quand vous aurez besoin de vous isoler. Vous n’avez plus besoin de moi. Je n’ai fait que vous montrer là où votre âme a besoin d’aller.
  • Je n’oublierais pas ce que vous avez fait pour moi, sire Rewan.

Cemra récupéra mon parchemin, et, partant, regardait de temps en temps dans ma direction, en souriant.

Je comprenais soudain que cette Lumière qui brillait de nouveau en moi ne soignait plus uniquement les corps. Elle soignait désormais aussi les âmes.
Je rentrais dans la chaumière, et m’éffondrait d’épuisement sur ma paillasse. La souffrance que j’avais extraite de ce jeune homme n’avait pas disparue. Je l’avais absorbée. Les tatouages d’or gravés sur mon torse se mirent à briller intensément, à mesure que la souffrance disparaissait. Rapidement, je retrouvais toute ma force vitale et mon énergie.

A peine avais-je le temps de me relever qu’on ouvra bruyament la porte de la chaumière.

  • Sire ! Sire ! Il s’est passé quelque d’horrible ! Venez, vite !

Je courrai hors de la chaumière. Cemra était non loin, visiblement choqué. De nombreuses personnes accouraient dans la même direction, non loin, derrière l’écurie.
Je me rapprochais rapidement, et c’est là que je vis ce corps au sol…